Quelle est votre expérience la plus mémorable avec les animaux sauvages ?
« Il y a beaucoup de moments particuliers, mais il en existe une petite poignée que vous pouvez être sûrs de ne jamais revoir. En 2018, par exemple, j'ai participé à un safari-photo. Nous étions sur la berge de la rivière Mara, en train d'attendre une importante traversée pendant un safari de migration. Je regarde toujours aux alentours, car quand on commence à étudier le comportement animal, on apprend à remarquer quand les prédateurs sont proches, et j'ai perçu un petit mouvement qui m'a permis de repérer une lionne couchée par terre. Elle attendait juste la traversée. J'ai prié pour que la lumière s'améliore, parce qu'il y avait beaucoup de nuages, et au moment précis où la traversée a commencé, il y a eu ce magnifique contre-jour au coucher du soleil, et la lionne s'est mise en chasse. Elle a soulevé d'immenses nuages de poussière qui ont donné un tel effet dramatique à la scène ! Je ne crois pas revoir ça un jour. »
Est-ce bien important de comprendre le comportement animal pour être un bon photographe animalier ?
« Absolument. Quand on connaît le comportement des animaux, on peut prédire les évènements. Cela m'aide à me préparer pour la photo parfaite, surtout lorsqu'il s'agit de chasse. Il faut connaître le comportement des prédateurs pour pouvoir être au bon endroit au bon moment. Si l'action est déjà en cours, c'est déjà trop trad. Observer une scène de chasse procure une sensation extraordinaire, on ne s'en lasse jamais et chacune est différente. »
Selon vous, quels sont les plus grands défis à surmonter lorsque l'on photographie la faune ?
« Je dirais la gestion des dépenses. Si vous voulez travailler au Mara, il vous faudra au moins deux semaines pour obtenir de bonnes photos. Vous payez pour le logement, une voiture ou un guide privé – si vous êtes freelance, cette dépense s'ajoute aux autres. Pour ce qui est de l'interaction avec les animaux, c'est en Inde, avec les tigres, que j'ai eu le plus de difficultés. Les parcs indiens sont divisés en plusieurs zones, et je ne m'étais pas préparé bien à l'avance. Pendant quatre jours, je n'ai pas vu le moindre tigre. J'ai parlé au propriétaire de l'hôtel où je séjournais, et il m'a expliqué que les tigres étaient habituellement repérés dans une zone en particulier. Je me suis dit : "J'ai fait tout ce chemin, je veux en voir !" Le cinquième jour, j'en ai enfin aperçu. Mais ce fut tellement difficile d'obtenir cette image, surtout qu'il faisait extrêmement chaud, environ 40 °C. »
Quel est l'enseignement le plus utile que vous avez tiré de votre carrière ?
« En 2020, mon studio de Nairobi, où je me consacre à la photographie commerciale, a été cambriolé. J'étais allé me coucher après avoir travaillé jusqu'à 22 h. À mon réveil, mon équipement avait disparu. Dérobés, mon appareil photo et mes objectifs ! Moi qui avais tant travaillé pour pouvoir me les offrir ! C'est ainsi que j'ai appris la leçon la plus importante : toujours prévoir plusieurs sauvegardes de secours. J'ai dû dire adieu aux disques durs qui contenaient mes photos prises de 2014 à 2019. Ce fut vraiment dur à accepter, mais j'ai bien retenu la leçon, depuis. »